La problématique

Un projet d'extraction de diatomite dans une zone humide protégée

Présentation de la situation

La narse de Nouvialle est une zone humide de trois cents hectares classée en ZNIEFF, en ZICO et en site Natura 2000. Ce marais occupe un ancien cratère volcanique et recèle un gisement de diatomite estimé à dix millions de tonnes avec une pureté très élevée.

La diatomite est une roche sédimentaire siliceuse très fine et absorbante, constituée de squelettes fossilisés de diatomées, des microalgues qui vivaient dans les lacs anciens. Cette ressource minérale possède des propriétés exceptionnelles de filtration et d'absorption qui en font un matériau recherché dans de nombreux secteurs industriels.

Contexte de la production nationale

Deux carrières seulement exploitent la diatomite en France : Saint-Bauzile en Ardèche et Virargues-Foufouilloux dans le Cantal. L'un de ces sites arrive à épuisement et la production nationale ne dépasse pas cent mille tonnes de produits marchands par an pour une consommation d'environ quatre-vingt-dix mille tonnes.

La diatomite est utilisée majoritairement comme adjuvant de filtration, représentant la moitié de la demande mondiale. Elle sert aussi comme additif pour le ciment, près d'un tiers des usages, et comme charge minérale dans quinze pour cent des applications. Les secteurs concernés incluent la filtration des boissons et de l'eau, la fabrication de ciment, les peintures, les plastiques, le papier et les absorbants industriels.

Un enjeu territorial majeur

Le gisement de Nouvialle est l'un des plus importants d'Europe. Il représente une opportunité économique significative dans un contexte de raréfaction des ressources exploitables. Toutefois, ce gisement se trouve dans une zone humide protégée, reconnue pour sa biodiversité exceptionnelle et ses services écosystémiques essentiels.

Cette situation impose une analyse approfondie avant toute décision. Les enjeux portent sur la conciliation entre développement économique local, préservation de l'environnement, maintien des activités agricoles et respect des réglementations en vigueur. La concertation territoriale doit permettre d'examiner collectivement ces dimensions et d'identifier les solutions possibles.

Objectif du diagnostic : Ce diagnostic territorial vise à éclairer tous les acteurs concernés en présentant de manière factuelle et complète les différents contextes liés à ce projet. Il constitue un préalable indispensable à la concertation pour permettre des choix argumentés et partagés sur l'avenir du site.

Les contextes du territoire

Comprendre les dimensions multiples du projet

Introduction aux contextes

Comprendre un projet d'aménagement territorial nécessite d'examiner l'ensemble des dimensions qui caractérisent le territoire et structurent les enjeux. Le projet d'exploitation de diatomite dans la narse de Nouvialle ne peut être appréhendé sans une analyse approfondie de ses multiples contextes.

Chaque contexte éclaire une facette spécifique du projet : qui sont les acteurs impliqués, quels sont les cadres réglementaires applicables, quelles dimensions économiques et sociales sont en jeu, comment le territoire s'est construit historiquement et culturellement, quelles caractéristiques paysagères le définissent.

Cette analyse contextuelle fournit les clés de lecture indispensables pour participer de manière éclairée à la concertation territoriale. Elle permet d'identifier les points de convergence et de tension, les opportunités et les risques, les contraintes et les marges de manœuvre.

Contexte institutionnel

Les acteurs publics et leurs rôles dans le projet

1. Collectivités territoriales concernées

La narse de Nouvialle s'étend sur trois communes rurales de la Planèze de Saint-Flour : Valuéjols, Tanavelle et Roffiac. Ces communes disposent de la compétence en matière d'aménagement du territoire à travers leurs documents d'urbanisme (cartes communales ou PLU). Les conseils municipaux doivent assurer un équilibre entre les fonctions productives du territoire (agriculture, emploi local) et la préservation de son environnement et de son cadre de vie.

Saint-Flour Communauté, Établissement public de coopération intercommunale (EPCI), porte les politiques de développement durable, de gestion des milieux et de soutien à l'agriculture de montagne. Elle intervient aussi dans la gestion des milieux naturels sensibles, la valorisation du territoire et les dossiers d'aménagement d'intérêt communautaire.

Le conseil départemental du Cantal soutient le développement local par des aides à l'aménagement et la gestion des Espaces Naturels Sensibles (ENS). Il peut être maître d'ouvrage de certains projets ou cofinanceur de mesures compensatoires ou de restauration.

La région Auvergne-Rhône-Alpes exerce une compétence stratégique en matière d'aménagement durable, à travers le SRADDET (Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires). Elle participe à l'élaboration du Schéma régional des carrières et finance certaines politiques environnementales et économiques.

2. Services de l'État

Préfecture du Cantal

Le préfet est l'autorité décisionnaire dans l'instruction des demandes d'autorisation d'exploiter une carrière. Il centralise les avis des services de l'État, organise la concertation et peut accorder ou refuser l'autorisation environnementale. Il garantit la compatibilité du projet avec le droit (Code de l'environnement, Code minier, Code de l'urbanisme) et peut prescrire des mesures correctrices, compensatoires ou conservatoires.

DREAL Auvergne-Rhône-Alpes

La Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement est compétente pour l'instruction environnementale. Elle évalue les études d'impact, les risques sur les habitats Natura deux mille, les espèces protégées, les zones humides, les eaux souterraines. Elle participe à l'élaboration et à la mise en œuvre du Schéma régional des carrières.

DDT du Cantal

La Direction départementale des territoires évalue la compatibilité du projet avec les documents d'urbanisme, les usages agricoles, les enjeux de biodiversité, d'hydrologie et d'aménagement foncier. Elle instruit les demandes d'autorisation au titre de la loi sur l'eau et anime la police de l'eau et des milieux aquatiques.

3. Organismes scientifiques, techniques et gestionnaires

Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) est l'établissement référent pour l'analyse géologique du gisement. Il a cartographié la diatomite de Nouvialle et fournit des éléments objectifs sur la qualité et les volumes exploitables.

L'Office français de la biodiversité (OFB) et le Conservatoire d'espaces naturels d'Auvergne interviennent dans la connaissance des milieux naturels, la gestion des zones humides et la surveillance des habitats d'espèces protégées. Ils peuvent être parties prenantes d'actions de suivi, de gestion ou de compensation écologique.

4. Entreprises extractives

Les entreprises Imerys et Chemviron sont les exploitants historiques des carrières de diatomite dans le Massif Central. L'une d'elles porte aujourd'hui un projet d'exploration/exploitation à Nouvialle. Elles doivent déposer un dossier d'autorisation complet incluant : étude d'impact, plan de gestion de l'eau, plan de remise en état, garanties financières, et démonstration de l'intérêt général du projet. Elles sont soumises aux dispositions du Code de l'environnement et du Code minier, et doivent démontrer leur capacité à intégrer les enjeux locaux (eau, biodiversité, agriculture, paysage).

5. Associations et représentants professionnels

Les associations naturalistes (LPO, France Nature Environnement, Sauvegarde de la Planèze) surveillent les atteintes aux zones humides, participent aux enquêtes publiques et peuvent initier des contentieux si elles estiment la réglementation bafouée. Leur rôle est central dans la production d'expertises indépendantes et dans la mobilisation citoyenne.

Les syndicats agricoles (FDSEA, Confédération paysanne) défendent les intérêts des éleveurs locaux. Ils interviennent dans le cadre de la concertation et pèsent sur les décisions concernant la gestion des terres, la préservation de l'eau et les compensations agricoles. La chambre d'agriculture du Cantal appuie techniquement les exploitants et émet des avis lors de l'instruction.

6. La procédure de concertation et d'autorisation

Tout projet d'exploitation de carrière supérieure à vingt-cinq hectares ou touchant des milieux sensibles (zone humide, Natura deux mille, espèces protégées) nécessite une autorisation environnementale unique. Cette procédure comprend :

  • Une concertation préalable (facultative ou obligatoire selon les cas) avec les élus, les riverains, les usagers, les exploitants, les associations
  • Une enquête publique dirigée par un commissaire enquêteur indépendant, pendant au moins trente jours
  • Une instruction technique par la DREAL, la DDT et d'autres services concernés
  • Une décision préfectorale pouvant imposer des prescriptions ou refuser l'autorisation

Cette décision peut faire l'objet de recours administratifs ou contentieux. Le déroulement de cette procédure est déterminant pour la légitimité du projet et la solidité de l'acceptation locale.